Variations autour du centre de Similitude

(Dominique Tournès - La Réunion)

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Cet article propose une autre construction du centre d'une similitude donnée par deux points et leurs images que la méthode relevant des arguments de cocyclicité des similitudes directes. Cette méthode a alors l'avantage de convenir aussi pour les similitudes indirectes. L'article se poursuit par des considèrations sur la podaire double de deux cercles.

 

Introduction

On pourrait dire que la géométrie grecque classique (celle d'Euclide) est une géométrie des figures semblables, c'est-à-dire des figures qui possèdent la même forme sans avoir nécessairement la même grandeur ni la même position. De ce point de vue, les deux théorèmes principaux de la géométrie euclidienne, ceux qui en fondent respectivement la composante affine et la composante métrique, sont incontestablement des théorèmes de similitude.

Le théorème de Thalès revient à dire que les triangles ABC et ADE sont semblables : si (DE) est parallèle à (BC), alors :

Quant à lui, le théorème de Pythagore ne fait qu'exprimer la similitude des triangles ABC, HBA et HAC : des égalités de rapports

on tire la fameuse relation

AB2 + AC 2 = BC.(HB+HC) = BC 2

La notion de similitude, si naturelle, si intimement liée aux fondements de la géométrie, mériterait d'être enseignée très tôt. Il faut pourtant constater que, dans nos programmes d'enseignement, elle n'apparaît pas avant la classe de Terminale Scientifique. En regrettant cet état de fait auquel nous ne pouvons rien et afin d'alimenter le travail éventuel d'une telle classe, nous allons présenter quelques constructions réalisables avec Cabri sur le thème du centre de similitude.

 

À la recherche du centre de similitude

 

Une similitude autre qu'une isométrie admet un unique point invariant, appelé centre de similitude. Pour s'en convaincre, le plus simple est de faire appel à un argument de nature topologique. Soit s une similitude de rapport k 1. Si k < 1, l'application s est k-contractante donc, d'après le théorème du point fixe, elle admet un unique point invariant. Si k > 1, l'application réciproque s-1 est une similitude de rapport 1/k < 1, donc s-1 admet un unique point fixe et ce point est aussi, évidemment, l'unique point fixe de s.

La construction usuelle

Dans toute la suite, on considère une similitude s qui n'est ni une isométrie (de sorte qu'elle admette effectivement un centre O), ni une homothétie (afin qu'une droite et son image soient toujours sécantes, ce qui garantira la possibilité des constructions envisagées plus loin). On sait qu'une similitude directe (respectivement indirecte) est entièrement déterminée par la donnée de deux points distincts A et B et de leurs images A' et B'. Proposons-nous de construire le centre O à partir de ces quatre points donnés.

 

Supposons d'abord que s soit une similitude directe. Les droites (AB) et (A'B') se coupent en un point I. En angles de droites, l'angle de s peut s'exprimer de diverses manières. On a d'abord (OA, OA') = (AB, A'B') = (IA, IA'), donc O est sur le cercle circonscrit au triangle IAA'.

De même, O est sur le cercle circonscrit au triangle IBB'.

Si O était confondu avec I, les droites (AA') et (BB') seraient parallèles et les cercles IAA' et IBB' seraient tangents. Inversement, dans le cas où les cercles IAA' et IBB' sont sécants, O est distinct de I.

Dans le cas général, O est ainsi l'autre point d'intersection des cercles IAA' et IBB' que I.

CSimDir.fig ou la macro CSimDir.fig d'objets initiaux A, B, A' et B'.

Seconde construction

L'inconvénient de cette méthode, fondée sur la condition angulaire de cocyclicité de quatre points, est qu'elle ne s'étend pas au cas d'une similitude indirecte (puisqu'une similitude indirecte n'a pas d'angle !). Pour remédier à cet inconvénient, examinons une seconde méthode assez différente. Soit toujours une similitude directe s.

Si on souhaite faire la figure en ligne, on peut Charger la macro Carré direct (fichier "CarDir.mac")

CSimDir2.fig ou la macro Centre de Similitude DIRECTE
d'objets initiaux A, B, A' et B' issue de cette construction

Construisons un carré ABCD sur le segment [AB] et un carré A'B'C'D' de même sens sur le segment [A'B']. Notons P, Q, R, S les points d'intersection respectifs des côtés homologues des deux carrés, à savoir (AB) et (A'B'), (BC) et (B'C'), (CD) et (C'D'), (DA) et (D'A'). Appelons P' et R' les images - non construites sur la figure - de P et R par s (images qui se trouvent respectivement sur les droites (A'B') et (C'D')), O le point d'intersection des droites (PR) et (P'R'), et O' l'image de O par s.

D'après le théorème de Thalès, on a . D'autre part, s étant une application affine, elle conserve les rapports de mesures algébriques; en particulier, . Finalement on a , ce qui prouve que O' = O, ou encore que O est le centre cherché. L'important est de remarquer que O se trouve sur la droite (PR). Par le même raisonnement, il se trouve aussi sur la droite (QS), ce qui permet d'achever la construction : O est l'intersection des droites (PR) et (QS).

Remarque : La construction des points P' et R' est inutile. Elle est possible très simplement puisque s étnt affine, elle conserve le barycentre. Par exemple ici, il suffirait de translater P, A, B dans la translation qui envoi A en A' et terminer par une homothétie (ie par Thalès).

On peut par exemple appliquer les deux macros à une même figure et vérifier qu'elle renvoient le même point.

Le cas indirect

Charger la macro Carré indirect (fichier "CarIndir.mac") pour refaire la figure (car on ne peut pas redéfinir les points C' et D' s'ils sont obtenus à partir d'une macro comme dans la construction précédente.

Dans le cas d'une similitude indirecte, qui transforme un carré en un carré de sens contraire, il suffit de reprendre la construction précédente à partir de deux carrés ABCD et A'B'C'D' de sens contraires (utiliser une macro de carré indirect).

CSimInd.fig ou la macro Centre Similitude INDIRECTE d'objets initiaux A, B, A' et B' issue de cette construction

 

Une fois le centre O obtenu, on construira facilement l'axe de similitude, qui n'est autre que la bissectrice de l'angle de vecteurs. Il sera intéressant de vérifier que les angles ont bien la même bissectrice.

 

Similitudes transformant un cercle en un autre.

 

LCSim2C.fig

Donnons-nous à présent un cercle C de centre A et de rayon R, et un cercle C' de centre A' et de rayon R' (pour éviter les cas particuliers, on supposera A A' et R R'). Sachant qu'une similitude transforme un cercle en un cercle, il est naturel de se demander, dans le cas présent, quel est le lieu des centres des similitudes qui transforment C en C'.

Pour cela, fixons un point B sur C. Quitte à composer par la réflexion d'axe (AA'), il suffit de s'intéresser aux similitudes directes. Une similitude directe s transforme C en C' si, et seulement si, elle transforme A en A' et B en un point B' de C'. Avec l'une des macros mises au point précédemment, construisons le centre O de s à partir des points A, B, A' et B'. Pour terminer, demandons le lieu de O lorsque B' décrit C'.

Ce lieu semble être un cercle. On l'explique aisément en remarquant que les centres de similitude cherchés sont exactement les points O vérifiant OA'/OA = R'/R. Ainsi, le lieu en question n'est autre que l'un des cercles d'Apollonius associés aux points A et A'. En prenant R comme unité de longueur et en faisant varier R', on pourra construire la totalité du faisceau. Il sera intéressant de comparer cette construction indirecte des cercles d'Apollonius avec la construction classique par les barycentres. Par ailleurs, on pourra remarquer que l'intersection du lieu de O avec la droite (AA') fournit les centres des deux homothéties transformant C en C'.

 

Podaire double de deux cercles

Rappel de définitions

La podaire d'une courbe C par rapport à un point P est l'ensemble des points M du plan tels qu'il existe une tangente à C passant par M et perpendiculaire à la droite (PM).

La podaire double de deux courbes C et C' est l'ensemble des points M du plan par lesquels on peut mener des tangentes à C et C' perpendiculaires entr'elles.

 

Parmi les similitudes directes transformant le cercle C en le cercle C', intéressons-nous de plus près à celles dont l'angle est droit. Il en existe exactement deux car, dans ce cas, le point B doit avoir pour image l'un des points d'intersection, notés B'1 et B'2, du cercle C' et de la perpendiculaire à (AB) passant par A'.

PodC1.fig

Toujours à l'aide de l'une des macros mises au point plus haut, construisons le centre O1 de la première similitude à partir de A, B, A' et B'1, puis le centre O2 de la seconde similitude à partir de A, B, A' et B'2. Notons bien que O1 et O2 ne dépendent que des cercles C et C', et non du point B choisi pour la construction.

Soit H1 le projeté orthogonal de O1 sur la tangente en B au cercle C. Lorsque B décrit C, H1 décrit la podaire du cercle C relative au point O1. Avec Cabri, traçons le lieu de H1 lorsque B décrit C : on obtient la podaire en question, qui n'est autre qu'un limaçon de Pascal.

Remarque : On peut vérifier expérimentalement avec Cabri que le lieu de H1 est bien un limaçon de Pascal, selon la définition retenue, soit comme enveloppe de cercles, soit comme conchoïde de cercle :

1 - comme enveloppe de cercle : notons I l'intersection du cercle C avec le segment [AO1], et U le milieu de [IO1]. Soit alors V tel que, en vecteur UV = IA. Alors l'enveloppe des cercles de centre M passant par O1, quand M décrit le cercle de diamètre [UV] est le limaçon cherché.

(à gauche ci-contre et ci-dessous)

PodC1Va.fig ci-contre (enveloppe de cercle).

2 - comme conchoïde de cercle, c'est celle associée au cercle de diamètre [O1A], de pôle O1 et de longueur R le rayon de C. Autrement dit c'est l'ensemble des points P et P' à distance R de M du cercle de diamètre [O1A] sur la demi-droite [O1M).

(ci dessous à droite)

PodC1Vb.fig ci-dessous (par conchoïde de cercle).

Considérons à présent le point M1 (resp. M2), intersection de la tangente à C en B et de la tangente à C' en B'1 (resp. en B'2). Lorsque B décrit le cercle C, les points M1 et M2 décrivent les deux branches de la podaire double des cercles C et C'. Afin de ne pas surcharger la figure ci-dessous, nous n'avons construit que le point M1. Le lecteur pourra construire également le point M2, demander le lieu de M2 et constater tout naturellement que les deux branches de la podaire double sont symétriques par rapport à l'axe (AA'). En manipulant les différents paramètres de la figure, on observera les formes que peut prendre cette podaire double en fonction de la position relative des deux cercles.

PodC2.fig ci-contre.

PodC2Exo.fig

Pour terminer, étudions de plus près le lieu de M1 (en rose ci-dessus) en le reliant à celui de H1. Les droites (O1H1) et (M1B'1) étant parallèles, les angles de droites (O1H1, O1M1) et (M1 B'1, M1O1) sont égaux. Puis, grâce à la cocyclicité des points M1, B'1, O1 et B, on peut écrire (M1 B'1, M1 O1 ) = (B B'1, BO1). Les triangles O1 BB'1 et O1 AA' étant directement semblables, on a aussi (BB'1, BO1) = (AA', AO1). Finalement, l'angle de droites (O1 H1, O1 M1) est égal à l'angle fixe (AA', AO1). S'agissant des angles aigus de deux triangles rectangles, on peut en déduire une égalité d'angles de vecteurs :. Notons a ce dernier angle. En fin de compte, M1 est l'image de H1 par la similitude directe de centre O1, d'angle a et de rapport 1/cos a. Le lieu de M1 est donc semblable à celui de H1; c'est encore un limaçon de Pascal.

Remarque (du webmestre lors de la mise en ligne) : On constate que les quatre points de contact du limaçon avec les deux cercles semblent être alignés. Expérimentalement, il est facile de les construire (P, Q, R, S ci-dessus) à partir des tangentes à chaque cercle issues du centre de l'autre cercle : manifestement les points sont alignés sur une droite parallèle à la droite des centres. Cela ne devrait pas être trop difficile à montrer ...

 

Dominique Tournès - IUFM de La Réunion

 

Bibliographie :

Coxeter - Introduction to geometry - Wiley
Berger - Géométrie - Nathan

 

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